Des mondes et des ciels au-dessus de nous (28’24’’)
Fabrice Jünger
Spécifiquement composée pour l’exposition URBAN UTOPIAS, cette œuvre musicale contemporaine est un voyage ascensionnel. Fabrice Jünger s’est imprégné des photographies de Stéphane Herbert et des textes poétiques de Carole Lenfant. Entre réalité terrestre et imaginaire, il propose d’expérimenter autrement les beautés naturelles et les richesses culturelles de trois villes modernes.
Flûtiste de l’Ensemble Orchestral Contemporain de Lyon, Fabrice Jünger développe parallèlement une activité d’interprète, de compositeur et de pédagogue. Il est l’auteur de pièces de concert reposant sur des instrumentations acoustiques et électroniques ainsi que d’œuvres associant musique et visuel.
Voix française : Carole Lenfant
Voix brésilienne : Natan Barreto
Voix indienne : Meenu Enfraze
The worlds and the skies above us (28’24’’)
Fabrice Jünger
Specifically composed for the exhibition URBAN UTOPIAS, this contemporary musical work is an upward journey. Fabrice Jünger has been inspired by the photographs of Stéphane Herbert and the poetic texts of Carole Lenfant. Between earthly reality and imaginary, he offers to experiment the natural beauty and cultural richness of three modern cities.
Flutist of the Ensemble Orchestral Contemporain in Lyon, Fabrice Jünger is also developing an activity of performer, composer, and teacher. He is the author of concert pieces based on acoustic and electronic instrumentation and works combining music and visual.
French voice: Carole Lenfant
Brazilian voice: Natan Barreto
Indian voice: Meenu Enfraze
Cosmos, à hauteur d’homme
par Claude-Marin Herbert, musicologue, chargé de collections musiques à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou
« Des mondes et des ciels au-dessus de nous » : le poème de Carole Lenfant que le compositeur Fabrice Jünger a choisi comme titre résonne, sur le flanc tribord de la péniche, avec une scène de la vie quotidienne à La Grande Motte photographiée par Stéphane Herbert – deux silhouettes se mouvant au sein d’un volume architectural relativement restreint (un patio). Mais un volume où tout l’air, toute la pierre, l’eau, la verdure et la lumière semblent en co-présence. Entre le caractère presque commun de la scène et l’inspiration cosmique du poème, le contraste, voire l’opposition, ne sont qu’apparents : l’architecture n’a-t-elle pas pour dessein d’articuler la vie humaine à des données redevenues commensurables – des mondes, des ciels dont chacun, grâce à elle, peut prendre à nouveau pleine mesure ?
« Des mondes et des ciels au-dessus de nous« , la pièce musicale de Fabrice Jünger combinant voix parlées, paysages sonores et textures synthétiques abstraites, fonctionne sur un principe de tuilage analogue entre ces différentes échelles : intime, extime, cosmique. Comme sur un grand nombre des photographies prises par Stéphane Herbert, c’est la présence humaine qui soustrait le monde à l’indifférence, et l’univers à son possible néant. Les trois voix (l’une masculine, les deux autres féminines) qui se répondent, en trois langues (français, portugais du Brésil, anglais de l’Inde), traversent en passantes mi-introspectives mi-contemplatives les paysages sonores bruissants du flot de la rue, de la fête, du tintement des cloches et de la rumeur des villes. Dans un registre plus symbolique, les harmonies tantôt extrêmement consonantes, tantôt bien plus mouvantes (rappelant le style d’un Brian Eno qui n’aurait pas renoncé à peupler ses « ambiances ») figurent une sorte d’espace plastique aux teintes nocturnes, profondes.
Consciemment ou non, ces trois strates ne renvoient-elles pas à la scénographie globale de l’exposition ? Dans le rôle de la voix humaine – le « nous » du poème -, les photographies. Dans celui de l’immémorial cosmique – des « ciels »-, la lumière entrant par les baies vitrées de la péniche, les eaux du fleuve sur lequel elle flotte. Dans celui des « mondes » : la ville alentour, le bruit du métro aérien, des lieux branchés voisins, les visiteurs de l’exposition et tout ces mondes qu’ils transportent – ce qui les transporte.
Création sonore « Des mondes et des ciels au-dessus de nous » (28’24’’) de Fabrice Jünger, composée pour l’exposition « villes rêvées, villes habitées / URBAN UTOPIAS / La Grande Motte – Brasília – Chandigarh »
Un voyage dans le voyage
par Stéphane Herbert, photographe
Fabrice Jünger a parfaitement exprimé l’idée d’un voyage, d’une méditation depuis les plages de la Méditerranée jusqu’au Brésil et jusqu’en Inde. Alors que nous sommes par exemple sur un des « autels » de la Promenade des Vents au coeur de La Grande Motte, il invite un puissant cantique de la culture afro-brésilienne, un chant appelant la divinité de la mer Odoyá Yemanjá. Nous pouvons par ailleurs sentir la densité humaine de l’Inde matricielle. Et que dire de l’arrangement instrumental avec ses variations, ses envolées, ses transitions, ses intrusions, ses résonances, ses percées, ses rappels, ses graves, ses aigus, … Toutes ces sonorités, rythmées par la poésie de Carole Lenfant, transportent littéralement. La conclusion en forme d’apothéose prolonge le voyage dans la grâce d’une projection… Dans la nuit… Dans un espace organique… Dans l’inconscient… A l’invitation des cloches… De la cloche de l’église de Saint-Augutin ? A moins que ce ne soit celle de la chapelle Nossa Senhora de Fatima ? Puis de la ghanta de Durga pour entrer dans le Gange ou dans le son parfait du Om. Pour enfin retourner à la mer. Pour retourner au divin mystérieux et au silence après les « bruissements » du reptile et de la vague.
A la dernière page de notre livre, nous avons retenu une citation d’Ornette Coleman pour conclure sur une note musicale : « Beauty is a rare thing ». Merci infiniment à Fabrice Jünger d’avoir participé au projet URBAN UTOPIAS avec cette belle soundtrack résonnant magnifiquement dans la nef de la péniche « Louise-Catherine / Le Corbusier » qui accueille notre exposition sur les berges parisiennes en ce mois d’octobre 2015. Grand merci également à Carole Lenfant (poésie + voix française), Natan Barreto (voix brésilienne) et Meenu Enfraze (voix indienne).
Création sonore « Des mondes et des ciels au-dessus de nous » (28’24’’) de Fabrice Jünger, composée pour l’exposition « villes rêvées, villes habitées / URBAN UTOPIAS / La Grande Motte – Brasília – Chandigarh »